PARU DANS LE N°57 - 18 NOVEMBRE 2024 - GOUVERNANCE
[CONFIDENTIEL] “One Accenture” : la ligne du nouveau boss France
Négo salariale tendue, gestion d'un complot ubuesque fomenté par l'ancien directeur des affaires publiques, reprise en main d'un certain nombre d'indicateurs, réduction des coûts : trois mois après sa prise de fonction, Koen Deryckere, successeur d’Olivier Girard à la présidence d'Accenture France et Benelux au 1er septembre, imprime sa marque.
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Depuis le 1er septembre, changement de visage à la tête de l’Axe, le bâtiment qui héberge le siège social d’Accenture dans le 13e arrondissement de Paris : Koen Deryckere, aux manettes de la zone Gallia (France, Pays-Bas, Belgique, Luxembourg…) depuis la rentrée de septembre, y passe une bonne partie de son temps et donne sa vision.
Limiter au maximum les pertes en lignes entre les différents métiers du groupe
Comme lors d'un speech interne donné la semaine dernière, dont a eu vent la Lettre du conseil. Sa ligne y est claire : renforcer au maximum la coordination et la cohérence entre les environ 10 000 collaborateurs hexagonaux (sur les 700 000 collaborateurs mondiaux) et limiter au maximum les déperditions entre les différents métiers du groupe.
En cela, il est en ligne avec Julie Sweet. La CEO d'Accenture, quelques mois après avoir succédé à Pierre Nanterme, l’iconique patron français aux manettes de 2011 à 2019, avait réduit la matrice Accenture à quatre métiers (interactive, technology, operations et strategy & consuting). Elle avait aussi engagé un plan de réduction des effectifs mondiaux de 19 000 personnes en 18 mois.
Une figure de gestionnaire
Une rigueur que partage Koen Deryckere. Il a fait toute sa carrière au sein d’Accenture, qu’il a intégré en mai 2000. Il a été directeur monde de la division réseau industriel et en était devenu directeur des opérations Europe en septembre 2022. En interne, on le voit bien plus comme un gestionnaire que son prédécesseur.
Tenir les cordons de la bourse
Si Olivier Girard, qui conserve la présidence d'une des sociétés du groupe en France, est plus institutionnel et bien connecté au patronat français, de son côté Koen Deryckere est focus sur les chiffres et les ratios à améliorer. Accenture se doit de tenir compte de la conjoncture économique française, a-t-il dit en substance aux équipes cette semaine. D’après une source interne, cela se reflète dans des coupes dans les budgets de formation ou d'intermission, certaines à venir et d’autres déjà actées.
Ainsi, la négociation annuelle obligatoire ouverte en septembre et close le 1er octobre entre les quatre syndicats principaux (CFDT,CFE-CGC, CGT, CFTC) et les équipes des relations sociales et de la paie du groupe en France, fait du gel des salaires la norme hormis pour quelques compétences clés dans l'intelligence artificielle et la cybersécurité. À tel point que les partenaires sociaux espèrent un autre round de négociation au printemps ou à l'été. C'est la réédition de ce qu'il s'est passé l'année dernière (voir l’encadré ci-dessous) et ce qu'anticipait la Lettre du conseil en septembre (voir l’édition de la Lettre du conseil du 23 septembre).
Empreinte business d’Accenture France
Autre ratio regardé par Koen Deryckere : l'empreinte business d'Accenture en France. Objectif serait par exemple d'augmenter la part de marché d'Accenture auprès des grandes banques françaises, jugée bien inférieure à ce qu'elle est à l'échelle mondiale dans le secteur bancaire.
Le complot contre Onepoint
Dernier dossier épineux, et pas des moindres, les révélations de Médiapart le 15 septembre, concernant le coup fourré qu'aurait tenté le directeur des affaires publics du cabinet contre son concurrent Onepoint, ce dont l'intéressé se défend (voir notre article).
Samuel Tamba se serait fait passer pour un haut fonctionnaire pour dénoncer les liens illégitimes entretenus par son concurrent Onepoint au ministère de la Défense — avec en toile de fond un conflit judiciaire en cours entre les deux cabinets concernant un marché de conseil à 100 millions d'euros avec... le ministère de la Défense (voir nos révélations à ce sujet).
Déjà supprimé des annuaires internes, l'ancien assistant parlementaire de François Fillon a été licencié pour faute grave mi-octobre, ont appris nos confrères de la Lettre, qui se sont par ailleurs procuré son plan d'action depuis son embauche en juillet 2023.
Le plan d’influence d’Accenture
Ce plan témoignait des moyens déployés par Accenture pour peser auprès du gouvernement et de l'État sur l'intelligence artificielle, la transition énergétique, le spatial ou encore la défense, en lien étroit avec l'agence d'influence APCO Worldwide.
Par exemple, il leur incombait d'organiser une rencontre avec Guillaume Avrin, coordinateur national depuis 2023 pour l'intelligence artificielle à la direction générale des entreprises à Bercy, ou avec Bruno Bonnell, en charge des crédits du plan France 2030 et du plan d'investissement d'avenir.
Un sujet sur lequel Accenture se montre discret. Aucune déclaration publique n’a été faite par Koen Deryckere, cependant Patrick Destremau, qui était en charge des Affaires Publiques chez Inetum depuis 18 mois, a été recruté en urgence pour prendre le poste de Samuel Tamba. ▣